Starship Troopers, film fasciste (Editorial du Libre Arverne n°213, 16/11/2006)

En fait, ce film est en quelque sorte une transposition dans un univers de science-fiction de la guerre germano-soviétique, du moins c’est la lecture que l’on peut en faire, avec la Fédération dans le rôle du Reich et les Insectes dans celui de l’URSS. Les parallèles entre la Fédération et le Reich sont nombreux et les clins d’œil, volontaires ou non, omniprésents. Dans la Fédération, seuls les anciens combattants ont le droit de vote et le droit de procréer, le reste de la population, les « civils », ne sont pas citoyens, ce qui est conforme à la pensée fasciste qui veut que seuls ceux qui agissent sont dignes de respect. Bien entendu, son emblème est un aigle ressemblant fort à l’hitlérien et sa capitale est à Genève, siège de la SDN et non New York, siège de l’ONU… Les médiats reprennent les mots d’ordre du régime. Ils ne cachent pas les défaites militaires mais incitent en permanence au recrutement et à l’effort de guerre totale de la population. Une scène assez comique montre un flash télé avec d’adorables bambins blondinets piétinant des cafards pour s’entraîner dès le plus jeune âge à la guerre contre l’insecte, comme le petit Pimpf et la petite Kinderscharin recevaient dès le Kindergarden l’explication des sacrifices que l’on demandait à leurs parents. Les uniformes de la Fédération sont la version modernisée des uniformes du IIIe Reich, mais avec des teintes grises argentées sur le noir, faisant implicitement référence au gris des chemises des fascistes américains. Le cas le plus flagrant de nazification des uniformes est celui du colonel Carl Jenkins, le « politique » chez les trois héros (vu sa tête, on pense que la famille Jenkins a immigré en Argentine en 1945…). Ses pouvoirs télépathiques ont fait de lui un colonel dès sa sortie de l’université : il est capable de lire dans les pensées des insectes et des hommes. Les jeunes ayant ces pouvoirs sont versés dans un corps spécial dont le look est volontairement copié sur la Gestapo (gabardine noire) avec une casquette d’officier tirée de la SS. La fille du groupe, Carmen Ibanez, commence la guerre avec le grade de lieutenant dans la marine spatiale, l’équivalent futuriste des Panzers. Pilote hors pair, repérée par la capitaine Deladier (probablement une Française), elle intègre un corps d’élite qui a pour mission de pulvériser le nuisible avant que la troupe ne termine le travail. Comme dit un officier d’élite : « Ils gèlent la planète, nous, on vient pour le ravalement ». Johnny Rico, le fils à papa de la bonne bourgeoisie de Buenos Aires, intègre comme 2e classe l’infanterie motorisée et sert dans une unité de franc-tireur de la 6e division, une unité qui ressemble assez aux Waffen-SS de par leur utilisation. Et si Carl n’est pas un gestapiste, Carmen une officier des blindés et Johnny un Waffen SS du futur, si Verhoeven ne s’est pas inspiré de ces corps en réalisant son film, moi je m’appelle Mayer !
Le personnage du héros principal, Johnny Rico, est très intéressant. Blond aux yeux bleus comme le SS des affiches de propagande, son histoire aurait pu être adaptée par les services du docteur Goebbels. Gosse de riche, il s’engage par amour dans l’Infanterie motorisée, voulant à tout prix intégrer l’armée. Lors de ses classes, il se lie d’amitié avec Ace Lévy, un vantard qui rêve d’être un chef mais que la réalité de la guerre transformera en brillant second… Nommé chef de groupe par le terrible sergent instructeur Zim (la caricature du chef-instructeur Marines, ne connaissant que schlague et brimades mais sachant repérer, promouvoir et défendre les bons éléments), il est responsable de la mort d’une recrue, Breckinridge, et est fouetté pour cela (lors de son supplice, il gagnera l’amitié de Zim qui lui dira en lui tendant un bâillon : « mords là-dedans, ça aide. Je connais… ». C’est l’apport « américain » au film). Buenos-Aires détruite et sa famille morte, il n’a qu’une envie : blaster de l’insecte. Il se retrouve incorporé dans l’unité de Jean Rasczak, son ancien professeur, et monte rapidement en grade, le taux de pertes de l’unité étant très élevé : caporal, sergent, il devient lieutenant et chef du corps-franc à la mort de son mentor. Il en vient à aimer son unité, celle que l’on envoie en sacrifice et qui a conscience que la seule vraie troupe d’élite du régime, c’est elle. Il suffit de voir avec quel mépris est regardé le général Owen, caricature des vieilles badernes prussiennes envoyées à la ferraille par Hitler en 1939, délivré par la 6e division sur la planète P. A noter également que, contrairement à une démocratie, le Sky Marshall Dienes, qui a totalement échoué sa mission par mauvaise appréciation des forces ennemies, démissionne de son haut-commandement. Notons également que les mutilés de guerre sont parfaitement réinsérés dans la société. Le sergent-recruteur tiendra ce discours à Rico qui postule pour l’infanterie : « félicitation, l’infanterie a fait de moi ce que je suis ! » La fierté avec laquelle cette phrase est dite contraste avec l’état du sous-officier qui est cul de jatte et manchot !
L’organisation sociale des insectes est très communiste et leur technique de conquête a un petit côté « trotskiste » puisque fondé sur l’infiltration : ils envoient leurs larves (l’équivalent des « agents dormants » soviétiques) qui, une fois le moment venu, prennent le contrôle de la planète infiltrée. Ils attaquent en masse et leur nombre semble illimité, comme l’armée rouge dans la vision collective occidentale. Ils mutilent les soldats terriens comme les Soviétiques mutilaient sans pitié les prisonniers allemands, n’ont aucune parole et sont en fait tributaires d’une conscience collective, les « cerveaux », leurs « commissaires politiques » dont un spécimen est capturé à la fin du film et visiblement abondamment torturé par les scientifiques comme jusqu’en 1942 les Politkom étaient systématiquement liquidés par les nazis. Toutes les voies diplomatiques ayant échoué (on ne parlemente pas avec une espèce dont le parasitisme est le style de vie), l’armée fédérale est devenue une sorte d’IG Farben géante dont le but est de liquider de l’insecte par yotta-paquets (un yotta = 1024 soit un million de milliards de milliards). A noter également une autre scène grandiose où un journaliste officiel se moque d’une scientifique qui déclare que les insectes sont intelligents, clin d’œil à ces quelques ahuris de l’entourage d’Himmler persuadés jusqu’en 1942 de «l’infériorité des Slaves ». Si vous voulez savoir à quoi ressemblerait un monde tel que nous le voulons, Starship Troopers peut donner une base de réflexion. On y exalte de saines valeurs : fraternité d’arme, honneur, fidélité, sens du devoir et du sacrifice, défense de la survie de l’espèce, méritocratie, responsabilité. Il ne manque plus que la religion et le compte y aurait été. Bref, incitez vos garçons à regarder Starship Troopers. Et n’oublie jamais, toi le futur citoyen : le bon insecte, c’est l’insecte mort !