Friday, November 02, 2007

In memoriam Serge de Beketch (12/12/1946 - 06/10/2007) (Editorial du Libre Arverne n°260, 11/10/2007)

Serge de Beketch nous a quittés. Pour notre courant de pensée, la perte est irremplaçable, plus que la perte du Detroit en temps de guerre pour la VIth Fleet (navire-ravitailleur de la marine américaine, sa perte condamne porte-avions et croiseurs à la pénurie de munitions et de carburant…). Le 6 octobre, j’installais mon stand lors de la Fête de la Tradition quand je fus interpellé par Caroline Parmentier, ma tourneboulante consoeur de Présent. Mais une Caro avec la tête des mauvais jours. Et de m’apprendre la nouvelle que je redoutais depuis quelques temps : « les médecins ne donnent pas 48 heures à Serge ». Le lendemain, on m’apprenait sa mort durant la nuit, entre la Fête du Rosaire et celle de la Saint Serge. L’abbé de Cacqueray arrivant sur mon stand, je l’en informais immédiatement. Il fit un signe de croix bénissant la mémoire de Serge et me demanda de prévenir séance tenante Mgr Fellay. Brève biographie pour les rares personnes ne le connaissant pas encore. Né le 12 décembre 1946, Serge André Yourevitch Verebrussoff de Beketch était le fils du sergent-chef Youri de Beketch mort pour la France à Dien-Bien-Phu et le petit-fils de Cyrille de Beketch, aide de camp du général Dénikine. La quasi-totalité de sa famille paternelle ayant été exterminée par les commissaires politiques juifs de l’URSS, cela ne le prédisposait pas à une tendresse excessive pour les deux facettes du bolchevisme et leurs collaborateurs. Journaliste à Minute en 1966, il se lia d’amitié avec René Goscinny qui le fit renter à Pilote. Directeur de National Hebdo de 1986 à 1990 puis de Minute-La France de 1990 à 1993, il fonda Le Libre Journal de la France Courtoise et fut co-fondateur et animateur vedette de Radio Courtoisie.

Serge de Beketch sera éternellement associé en ce qui me concerne à une période exaltante de l’histoire de notre famille de pensée. Si on devait donner un seul mot pour désigner Serge, c’est à « excessif » que je penserais. Tout était excès chez lui, et c’est ce qui faisait son charme. On l’aurait suivi jusqu’aux confins de la Sibérie, jusqu’aux yourtes (pas de blagues, monsieur le correcteur de texte) de Yakoutie. Dans la grande armée de la presse nationale, Serge était l’ataman, flanqué de ses Cosaques du Libre Journal de la France Courtoise, sabre au clair, au galop, étêtant tout ce qui bouge, bousculant même l’infanterie régulière de notre propre camp quand elle avait le malheur de se trouver sur le chemin des convenances que nous piétinions avec allégresse. Nous étions des corsaires, des partisans, des irréguliers, des corps-francs, mais nous étions surtout de ces hommes libres n’ayant de comptes à rendre qu’à Dieu et à notre ataman, suscitant parfois le regard courroucé de ces « messieurs convenables » prostituant leurs idéaux pour une écharpe de Conseiller Régional et autre bimbeloterie pour arrivistes de chef-lieu d’arrondissement. Pendant les années où j’ai eu l’honneur de travailler avec lui, Serge a été notre Ungern-Sternberg. J’ai longtemps cherché quelle chanson je pouvais chanter en l’honneur de Serge. Les Partisans Blancs ? Je la laisse à mes confrères de Radio Courtoisie. La Cavalcade ? D’autres l’ont pris. Les Cosaques ? Redondance avec ce qui précède. Alors je vais choisir à l’heure du requiem Le vent menait : « Où nous passons menant la roue solaire L'or des moissons s'attache à nos pas, Qu'on nous appelle soldats ou mercenaires, Nous sommes toujours prêts au dernier combat. Le vent menait le bruit de nos batailles, Le vent du nord menait au dernier port. Le vent menait le sang et la mitraille, Le vent du nord nous amenait la mort… »

Serge de Beketch était donc un homme d’excès, mais dans le sens noble du terme. La prodigalité légendaire attribuée aux Russes trouvait en lui l’illustration vivante. Généreux, Serge l’était. Il a donné sa chance à plusieurs jeunes, moi le premier. Je ne l’ai jamais vu manifester la moindre haine contre quiconque, même envers les porcs de Charlie Hebdo, même cette éponge imbibée d’alcool de Siné qui avait injurié son père. Ces dérapages verbaux, sous le coup de la colère, ne devaient être pris qu’à leur juste valeur : le cri de désespoir de l’homme devant l’injustice, la mesquinerie, parfois même l’ignominie des puissants. Ses envolées ont donné des sueurs froides à Jean Ferré et à Jean-Marie Le Chevallier. Si on devait les résumer en une phrase, c’est celle lors de la Fête du Livre de Toulon lorsque l’équipe de Charlie Hebdo ne demanda rien de moins qu’une « protection policière » (comme tout anar en peau de lapin), il leur envoya un bristol dans le ton de leur journal : « La municipalité de Toulon est chargée du ramassage des ordures, pas de leur sécurité ». Nous avions beaucoup ri, Le Chevallier nettement moins. Il voyait s’éloigner ses rêves d’un bon papier sur lui dans Le Figaro et Libération… Lors de la période toulonnaise, j’étais aux côtés de Serge comme Rédacteur en Chef du Toulonnais, le journal municipal dont il était le directeur. Seul journal municipal qui était lu jusqu’à Amiens ! Un jour, Serge s’était excusé de m’avoir entraîné dans cette galère. Je lui avais répondu : « Pourquoi vous excuser ? On s’est bien marré ! ». De Toulon, je garderais le souvenir de la gentillesse de Philippe David de Beauregard qui, plus d’une fois, allait plaider notre cause auprès du maire parce que nous avions froissé la susceptibilité de tel ou tel élu d’un parti dont le journal officiel appelait au meurtre contre « Leuch » ; et ces fous-rires lors des bouclages (notamment une fois où entrant dans le bureau de Serge avec une demande de me laisser deux pages pour le compte rendu d’un Toulon-Bordeaux en Coupe de France de football, je fus reçu par un tonitruant et théâtral : « Fersan, fichez le camp de mon bureau vous et votre football ! ». Serge est toujours resté hermétique au charme du ballon rond.

Von Salomon avait trouvé un mot exact qui définissait Serge et son armée : Les Réprouvés. Le Libre Journal avait un côté du Petit Nicolas. Nous étions tous, et Serge le premier en tant que « meneur de la bande », un groupe de « sales gosses » fortes têtes, insolents mais avec des cœurs gros comme ça. Pas l’un qui ressemblait à l’autre. Le village gaulois d’Astérix, entre chamailleries, réconciliation lors du banquet final… Mâtin, quel journal quand on y pense. Grâce à Serge, j’ai découvert un monde mille fois plus chaleureux et intéressant que si j’avais fait une petite carrière de sbire du régime au Quai d’Orsay. Bernard Lugan, Bernard Antony, Marie-Claude Monchaux, Michel de l’Hyerres, Anne Merlin-Chazelas, le marquis d’Olmetta, Nicolas Bonnal, François Brigneau, ADG, Aramis… Croyez-moi, c’est autre chose que des noms sur des couvertures de livres. C’était l’art de Serge de nous faire tous cohabiter sans heurts, et Dieu sait qu’il n’y avait rien de moins facile, car, tous autant que nous étions, on était du genre à avoir notre caractère : les deux Bernard ne sont plus à présenter dans ce registre, François Brigneau a été l’un des rares dans nos milieux à balancer publiquement ses quatre vérités – fortement déplaisantes - à Le Pen en personne, Nicolas Bonnal, chat philosophe, avait le coup de patte cynique. Le marquis d’Olmetta avait l’habitude savamment entretenue de lancer dans telle ou telle réception aussi mondaine que compassée des remarques aussi cinglantes que justes faisant l’effet de la glace à la vanille tombant dans le plat d’épinards. Solide matrone, Anne-Marie Chazelas était la preuve que la Maison d’Education des Jeunes Filles de la Légion d’Honneur fabrique autre chose que des oies blanches et quand vous aviez le malheur de soliloquer contre le trône, l’autel et le peuple élu, elle vous rossait épistolairement d’importance ! Marie-Claude Monchaux, la meilleure illustratrice pour enfants de tous les temps, que l’on imagine dame effacée devant ses pastels et ses feuilles ayant jadis été une petite fille modèle aux robes impeccables et nattes enrubannées, était une fillette pour le moins rude : rentrée chez elle en larmes et en sang, elle désigna comme auteur de son chagrin les fils du voisin. Furieux, son père se rendit chez le coupable pour s’entendre dire par le géniteur d’icelui : « Ah c’est vous le père de la petite tigresse ? Venez voir dans quel état elle a mis mon fils… », car si les larmes étaient les siennes, le sang était celui de l’un des garçons qu’elle avait frappé… Quant à ADG, ses relations avec Serge oscillaient entre l’excellente et la rupture en fonction de leurs évolutions d’humeur. L’énumération ne serait pas complète sans l’auteur de ces lignes, qui, entre deux envolées romantiquement fascistes sur la beauté des Bundesmädel à nattes blondes, la pureté de l’Europe Nouvelle et le courage de ses combattants, prend la plume pour solutionner métaphoriquement de manière finale ceux qui lui bavent sur les rouleaux en murmurant : « Toi mon salaud, tu ne vas pas regretter le voyage, tu vas te retrouver à faire du travail manuel en Pologne sans comprendre ce qui t’arrive… »

Par Radio Courtoisie, par Le Libre Journal, j’ai rencontré grâce à Serge des gens uniques. C’était l’une de ses marques de fabrique, cette ouverture d’esprit, cet éclectisme intellectuel qui lui faisait s’intéresser à tous les domaines des sciences, de l’histoire, de la culture. Le Libre Journal du mercredi était devenu le havre, le port d’attache des tous les dissidents. Sous la tutelle de « Obiwan Beketchi », le jeune Jedi finissait sa formation. Serge était l’ennemi de l’obscurantisme mafieux qui a asservi la recherche au dogme. Il y avait un mot qu’il détestait par dessus tout : censure. En politique, en religion, en histoire, Serge pratiquait la politique du micro ouvert. Tout le monde, dans la mesure où le discours était argumenté et étayé, avait le droit à la parole. Avec Serge, tout était merveilleusement possible, même l’inconcevable. Un mercredi, il s’aperçoit avec horreur qu’il avait invité dans la même émission le fils de Grossouve, « suicidé » sous Mitterrand, et Dominique Erulin, sur la tête duquel l’Elysée avait mis un contrat, supervisé par… de Grossouve. Les deux arrivent. Le fils de Grossouve, gentil jeune homme timide et svelte. Erulin, massif et sanguin… Et là, l’incroyable se produit : le baroudeur serre avec vigueur la main de son vis-à-vis en lui disant : « Tu n’es pas responsable de ton père ». Pendant l’émission, Erulin le dur à cuire fut d’ailleurs ému par le témoignage du fils orphelin d’un ennemi abattu sur ordre du bananier en chef adepte de la phrase « les morts ne parlent pas ». Jean Ferré a résisté à toutes les pressions, et Dieu sait qu’il y en eut, de la part des coteries en place pour éliminer Serge. Grâce à Serge, j’ai découvert le professeur Faurisson (dont Serge, engagé pourtant dans Tsahal en 1967 fut l’un des plus grands défenseurs), j’ai pu « tester » le commandant Bunel et voir si c’était du lard ou du cochon, je me suis lié d’amitié avec le docteur Dor et avec Hervé Ryssen, j’ai découvert des scientifiques aussi brillants que persécutés et des hommes et femmes politiques sous un jour inédit (notamment une Catherine Mégret d’une gentillesse extrême avec un humour décapant, venue à la radio avec sa petite Bertille qui, lorsque Serge lui posa la question volontairement piégée « dis bonjour au micro » répondit ce qu’on attendait d’elle : « Bonjour micro ! »). Il m’a aussi permis de rencontrer son fils Emeric, devenu parrain d’un de mes fils et mon véritable alter-ego. Je ne sais pas qui remplacera Serge, mais je lui souhaite bien du courage.

Car Serge nous manquera à tous et à toutes. Avec la mort de Jean Ferré, Radio Courtoisie a perdu son cerveau, avec celle de Serge de Beketch, elle perd son cœur. Même si j’ai la chance d’avoir encore mes deux parents, aujourd’hui je ressens ce que c’est que d’être orphelin. A « maman » Danièle, à Emeric mon « plus que frère », à Cyril « le frère qui a réussi », j’associe mes prières les plus filiales et fraternelles. Serge ne mourra jamais dans nos cœurs et son souvenir, lui, est aussi immortel que l’Académicien qu’il aurait mérité d’être. Que l’Etat romanesque de Tradiland décrète trois jours de deuil national.

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5 Comments:

Anonymous Anonymous said...

Merci
"signe de la promesse scoute offerte à Dieu"

3:30 PM  
Anonymous Anonymous said...

Pas à dire, le bonhomme avait la taille hors norme, l'époque était trop étriquée pour ses épaules d'insupportable qui ne pouvait s'empêcher d'aimer son pays et ses hommes en les engueulant d’une voix souvent douloureuse, une voie venue du fond de son âme énorme et superbe. Dru du coffre et subtile de la plume, pas hypocrite pour deux sous, il regardait couler tout ce qu'il aimait et respectait en refusant la résignation. J'ai une tendresse singulière pour ces vieux sangliers ( Raspail ou Caradec François ,dans un autre genre) pour qui le mot honneur s’impose comme une vérité définitive et un devoir qui juge un homme - ils sont de plus en plus rares, et celui là était un rare parmi les rares. RIP vieux lutteur.

C'était ... D' Un certain "T" (énigme? mystère...) qui va, en sortant de cet antre sulfureux irradié par les Zeuresles+sombres (légendaires créatures infernale nées d'un sang horstwesselien) prendre un bain républicain préparé aux pures fragrances citoyennes, avec deux gouttes d'essence de "Respect de l'autre" -pour l'élite authentique - cosmopolite, of course .

(ARGH; Je n'y tiens plus... Ce fumet d'intolérance, ces relents de doctrines interdites par nos sages dans leur grande bonté... je m'enfuis, loin de cette trop féconde éprouvette où la bête immonde attend son heure sinistre).

Signé : Un passant désapprobateur.

12:51 PM  
Blogger Enzo said...

Bien le bonjour messire Triboulet, merci de votre visite dans l'antre de la Bête.

Mais attention, ici, c'est comme dans les films de Romero... Il suffit parfois d'une morsure pour être contaminé. Le système de recrutement des zombies a fait ses preuves.

Qu'un Big Daddy nous guide vers les faubourgs de Pittburgh... (pour ceux qui n'auraient pas compris l'allusion, attendre la mise en ligne de l'édito n°258 ou regarder "le Territoire des morts"

2:55 PM  
Anonymous Anonymous said...

Je prends le risque ( j’ai traversé deux fois Les décombres et même lu du Degrelle : je suis mithridatisé. ) On ne peut vous dénier le courage. Et on a été tellement complaisant avec les rouges – couverts d’un sang bien réel ceux-là – que les donneurs de leçons me paraissent bien peu crédible dans leur condamnation. Et puis, qui sait de quelles énergies le monde à besoin ? D’où partira le renouveau ? hors de ma peau de Triboulet, - qu'accompagne,bien loin, UN autre masque baladin- je ne commente pas souvent. Mais je lis beaucoup. J’ai d'ailleurs déjà quelques fières bosses à forces de bondir au plafond en vous lisant de ci, de là. Mais l’exercice est salutaire. Et puis la haine, la vraie, la petite haine verdâtre des envieux, je ne la sens pas chez vous. Je ne crois pas au fascisme, mais je crois à la nécessité d’une parole ardente, sans tabou et provocatrice. Un monde stérilisé me terrifie bien plus qu’un extrémisme franc et crânement porté.
(Et merci de votre accueil)

4:54 PM  
Anonymous Anonymous said...

Salut cher cousin !

Quel beau texte sur notre grand et vaillant Serge !

Cela fait longtemps que je l'avais lu. mais cette fois je ponds un commentaire .

Il faudrait, d'un coup de baguette magique, transformer les immonde journaleux qui crache des mensonges en des Serges de Beketch !
Bisous à toute la belle famille Fersan.

Marie "linotte" !

2:53 PM  

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