Friday, November 17, 2006

Starship Troopers, film fasciste (Editorial du Libre Arverne n°213, 16/11/2006)

Le parrain de mon petit Baudouin me disait l’autre jour : Henri, regarde Starship Troopers, cela va te plaire. Au début, cela ne me disait trop rien, c’est mon frère le fan de science-fiction. Mais j’avais ouïe dire que ce film avait été accusé d’être fasciste par les biens-pensants. J’ai donc pris deux heures de mon temps ô combien précieux pour voir la bête. J’en sors soufflé : pour être fasciste, cela l’est ! Et pour cause, puisqu’il est tiré du roman Etoiles, garde à vous ! de Robert Heinlein, qui n’a pas précisément la réputation d’être un gauchiste… Disons plus exactement que le film donne un aperçu de ce qu’aurait pu être un fascisme américain, avec ses spécificités nationales. Paul Verhoeven, le réalisateur néerlandais, est un professionnel du cinéma : Basic Instinct, Robocop, Total Recall, pour ne citer que les plus connus, sont ses enfants. Bien évidemment, il se défend de tout fascisme et nous déclare que son film était à prendre au second degré, brocardant les outrances associées dans l’inconscient collectif à ce genre de régime. Certes, et chacun sait que la marmotte emballe le chocolat. Le film Robocop par exemple montre un maire de Detroit (de race noire) démocratiquement élu et totalement incapable (il est d’une rare stupidité) de résister aux appétits du cartel OCP, un trust capitaliste qui veut régenter la ville à sa manière. Le summum étant atteint dans Robocop III où Detroit ressemble à une version futuriste et cyberpunk de l’Allemagne de Weimar : gamines des classes moyennes ruinées qui se prostituent pour faire survivre leur famille, instrumentalisation des bandes de délinquants par la finance apatride pour faire de la spéculation immobilière, démantèlement des forces de police, utilisation des forces armées à des fins privées et non au service de l’Etat… On note d’ailleurs l’alliance systématique des parasites du haut et du bas de l’échelle sociale pour dépouiller du fruit de leur travail les classes moyennes et populaires de Detroit : alliance de la municipalité avec des trafiquants de drogue, alliance du trust financier avec des bandes anarchistes et criminelles. Qui a dit « fiction » ? La police, débordée, fait corps avec la population contre la racaille, qu’elle soit en capuche ou en col blanc. Notons que l’âme damnée de l’OCP est le Némésis du maire : un noir ressemblant assez curieusement à Colin Powell et qui, tel le chat, retombe toujours sur ses pattes. Il incarne l’intelligence (il est même plutôt brillant dans son poste de communicant) vendue au service de la puissance. L’intellectuel servile en quelque sorte. Dans Starship Troopers d’ailleurs, il est également question de parasites mais d’une toute autre nature. Il s’agit d’insectes, et comme dirait l’équivalent futuriste de général Bigeard : « l’insecte, c’est pas ton copain ! »

En fait, ce film est en quelque sorte une transposition dans un univers de science-fiction de la guerre germano-soviétique, du moins c’est la lecture que l’on peut en faire, avec la Fédération dans le rôle du Reich et les Insectes dans celui de l’URSS. Les parallèles entre la Fédération et le Reich sont nombreux et les clins d’œil, volontaires ou non, omniprésents. Dans la Fédération, seuls les anciens combattants ont le droit de vote et le droit de procréer, le reste de la population, les « civils », ne sont pas citoyens, ce qui est conforme à la pensée fasciste qui veut que seuls ceux qui agissent sont dignes de respect. Bien entendu, son emblème est un aigle ressemblant fort à l’hitlérien et sa capitale est à Genève, siège de la SDN et non New York, siège de l’ONU… Les médiats reprennent les mots d’ordre du régime. Ils ne cachent pas les défaites militaires mais incitent en permanence au recrutement et à l’effort de guerre totale de la population. Une scène assez comique montre un flash télé avec d’adorables bambins blondinets piétinant des cafards pour s’entraîner dès le plus jeune âge à la guerre contre l’insecte, comme le petit Pimpf et la petite Kinderscharin recevaient dès le Kindergarden l’explication des sacrifices que l’on demandait à leurs parents. Les uniformes de la Fédération sont la version modernisée des uniformes du IIIe Reich, mais avec des teintes grises argentées sur le noir, faisant implicitement référence au gris des chemises des fascistes américains. Le cas le plus flagrant de nazification des uniformes est celui du colonel Carl Jenkins, le « politique » chez les trois héros (vu sa tête, on pense que la famille Jenkins a immigré en Argentine en 1945…). Ses pouvoirs télépathiques ont fait de lui un colonel dès sa sortie de l’université : il est capable de lire dans les pensées des insectes et des hommes. Les jeunes ayant ces pouvoirs sont versés dans un corps spécial dont le look est volontairement copié sur la Gestapo (gabardine noire) avec une casquette d’officier tirée de la SS. La fille du groupe, Carmen Ibanez, commence la guerre avec le grade de lieutenant dans la marine spatiale, l’équivalent futuriste des Panzers. Pilote hors pair, repérée par la capitaine Deladier (probablement une Française), elle intègre un corps d’élite qui a pour mission de pulvériser le nuisible avant que la troupe ne termine le travail. Comme dit un officier d’élite : « Ils gèlent la planète, nous, on vient pour le ravalement ». Johnny Rico, le fils à papa de la bonne bourgeoisie de Buenos Aires, intègre comme 2e classe l’infanterie motorisée et sert dans une unité de franc-tireur de la 6e division, une unité qui ressemble assez aux Waffen-SS de par leur utilisation. Et si Carl n’est pas un gestapiste, Carmen une officier des blindés et Johnny un Waffen SS du futur, si Verhoeven ne s’est pas inspiré de ces corps en réalisant son film, moi je m’appelle Mayer !

Le personnage du héros principal, Johnny Rico, est très intéressant. Blond aux yeux bleus comme le SS des affiches de propagande, son histoire aurait pu être adaptée par les services du docteur Goebbels. Gosse de riche, il s’engage par amour dans l’Infanterie motorisée, voulant à tout prix intégrer l’armée. Lors de ses classes, il se lie d’amitié avec Ace Lévy, un vantard qui rêve d’être un chef mais que la réalité de la guerre transformera en brillant second… Nommé chef de groupe par le terrible sergent instructeur Zim (la caricature du chef-instructeur Marines, ne connaissant que schlague et brimades mais sachant repérer, promouvoir et défendre les bons éléments), il est responsable de la mort d’une recrue, Breckinridge, et est fouetté pour cela (lors de son supplice, il gagnera l’amitié de Zim qui lui dira en lui tendant un bâillon : « mords là-dedans, ça aide. Je connais… ». C’est l’apport « américain » au film). Buenos-Aires détruite et sa famille morte, il n’a qu’une envie : blaster de l’insecte. Il se retrouve incorporé dans l’unité de Jean Rasczak, son ancien professeur, et monte rapidement en grade, le taux de pertes de l’unité étant très élevé : caporal, sergent, il devient lieutenant et chef du corps-franc à la mort de son mentor. Il en vient à aimer son unité, celle que l’on envoie en sacrifice et qui a conscience que la seule vraie troupe d’élite du régime, c’est elle. Il suffit de voir avec quel mépris est regardé le général Owen, caricature des vieilles badernes prussiennes envoyées à la ferraille par Hitler en 1939, délivré par la 6e division sur la planète P. A noter également que, contrairement à une démocratie, le Sky Marshall Dienes, qui a totalement échoué sa mission par mauvaise appréciation des forces ennemies, démissionne de son haut-commandement. Notons également que les mutilés de guerre sont parfaitement réinsérés dans la société. Le sergent-recruteur tiendra ce discours à Rico qui postule pour l’infanterie : « félicitation, l’infanterie a fait de moi ce que je suis ! » La fierté avec laquelle cette phrase est dite contraste avec l’état du sous-officier qui est cul de jatte et manchot !

L’organisation sociale des insectes est très communiste et leur technique de conquête a un petit côté « trotskiste » puisque fondé sur l’infiltration : ils envoient leurs larves (l’équivalent des « agents dormants » soviétiques) qui, une fois le moment venu, prennent le contrôle de la planète infiltrée. Ils attaquent en masse et leur nombre semble illimité, comme l’armée rouge dans la vision collective occidentale. Ils mutilent les soldats terriens comme les Soviétiques mutilaient sans pitié les prisonniers allemands, n’ont aucune parole et sont en fait tributaires d’une conscience collective, les « cerveaux », leurs « commissaires politiques » dont un spécimen est capturé à la fin du film et visiblement abondamment torturé par les scientifiques comme jusqu’en 1942 les Politkom étaient systématiquement liquidés par les nazis. Toutes les voies diplomatiques ayant échoué (on ne parlemente pas avec une espèce dont le parasitisme est le style de vie), l’armée fédérale est devenue une sorte d’IG Farben géante dont le but est de liquider de l’insecte par yotta-paquets (un yotta = 1024 soit un million de milliards de milliards). A noter également une autre scène grandiose où un journaliste officiel se moque d’une scientifique qui déclare que les insectes sont intelligents, clin d’œil à ces quelques ahuris de l’entourage d’Himmler persuadés jusqu’en 1942 de «l’infériorité des Slaves ». Si vous voulez savoir à quoi ressemblerait un monde tel que nous le voulons, Starship Troopers peut donner une base de réflexion. On y exalte de saines valeurs : fraternité d’arme, honneur, fidélité, sens du devoir et du sacrifice, défense de la survie de l’espèce, méritocratie, responsabilité. Il ne manque plus que la religion et le compte y aurait été. Bref, incitez vos garçons à regarder Starship Troopers. Et n’oublie jamais, toi le futur citoyen : le bon insecte, c’est l’insecte mort !

9 Comments:

Anonymous Anonymous said...

Carmen Ibañez.....¿Española?

11:53 AM  
Blogger Enzo said...

No. Carmen Ibanez, Johnny Rico & Carl Jenkins = Argentina

12:15 PM  
Anonymous Anonymous said...

Enzo....Votre opinion sur "Green Berets", 1968, John Wayne Film....?

2:53 PM  
Anonymous Anonymous said...

Qui de la scène du repas de famille dans "american history X"??
"You see this, it means not welcome"

2:03 PM  
Anonymous Anonymous said...

C'est fascinant comme quelqu'un peut voir avec la plus grande acuité un film et ne rien comprendre. Vous voyez tout, rien à dire, vous avez les yeux et les connaissances pour ça. Mais vous comprenez tout de travers. Enfin, après tout, vous annoncez clairement que vous refusez de croire que le réalisateur fonctionnait au second degré...

"Et si Carl n’est pas un gestapiste, Carmen une officier des blindés et Johnny un Waffen SS du futur, si Verhoeven ne s’est pas inspiré de ces corps en réalisant son film, moi je m’appelle Mayer !"

Représenter implicitement les uniformes nazis implique donc de soutenir le nazisme? On ne peut pas le représenter pour mieux le dénoncer?

"Notons également que les mutilés de guerre sont parfaitement réinsérés dans la société. Le sergent-recruteur tiendra ce discours à Rico qui postule pour l’infanterie : « félicitation, l’infanterie a fait de moi ce que je suis ! » La fierté avec laquelle cette phrase est dite contraste avec l’état du sous-officier qui est cul de jatte et manchot !"

Arriver à voir qu'il y a un contraste, et prendre cela pour une preuve de patriotisme sans borne, cela sans comprendre l'ironie... Sans comprendre que cela dénonce ce que l'armée fait des hommes... Sans comprendre l'humour noir avec lequel ce mutilé dit que l'armée est reponsable de ce qu'il est... Si vous ne voulez pas ouvrir les yeux sur une dénonciation de l'armée si claire, ça ne vaut pas la peine de commenter le reste du message.

Je vous incite cependant en effet à montrer Starship troopers à vos enfants. Peut être que eux comprendrons le message et fuirons en courant loin de votre apologie de la mort et de la haine.

3:05 PM  
Blogger Enzo said...

Vous avez la grille de lecture officielle du film...

Je n'ai pas été le seul, à droite comme à gauche, à considérer le film comme ouvertement fasciste.

Vous avez le droit de penser ce que vous penser. Le simple fait d'ailleurs que nous avons des divergences de fond quand à la grille de décryptage analytique montre qu nos référentiels civilisationnels sont opposés.

9:18 PM  
Anonymous Anonymous said...

C'est une véritable insulte à l'intelligence que d'avoir pris ce film au pied de la lettre, les clés sont tellement évidentes que ça fait peur de passer à coté d'un message aussi anti-militariste que celui dans Starship Troopers...

Surtout quand le réalisateur (né en 1938) a été maltraité par les nazis durant la seconde guerre mondiale...

9:23 AM  
Blogger Enzo said...

Encore une fois, vous avez parfaitement le droit d'interpréter le film à votre guise.

Tradiland n'ayant pas d'argent, il lui est impossible de faire des films. Notre seule possibilité est donc de "détourner" des films officiels pour les interpréter à notre guise. "Starship Troopers", "Land of the Dead", "Invasion Los-Angeles" pour ne citer que ceux auxquels j'ai consacré un éditorial.

11:24 AM  
Anonymous Anonymous said...

Le Monsieur a tout dit : "C'est une véritable insulte à l'intelligence que d'avoir pris ce film au pied de la lettre, les clés sont tellement évidentes que ça fait peur de passer à coté d'un message aussi anti-militariste que celui dans Starship Troopers...

Surtout quand le réalisateur (né en 1938) a été maltraité par les nazis durant la seconde guerre mondiale... "

Pour faire simple j'invite tous ceux qui pensent comme lui à lire Heilein (ce que tu aurais du faire avant de venir écrier des idioties pareil) et vous comprendrez bien assez vite.

2:01 PM  

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