Saturday, October 07, 2006

Nous aimons tous nos enfants (Editorial du Libre Arverne n°210 - 26/10/2006)

(Légende : de gauche à droite, Alice, Hermine, Marianick, Baudouin, Eudes et Maël)

Un an et un enfant de plus. Le sixième enfant est né quatre jour après que l’aînée ait fêté ses sept ans. C’est ce qu’on appelle un tir groupé, six naissances en sept ans sans la moindre gémellité. Un nouveau petit être a donc fait son apparition. Un petit chrétien de plus depuis le 16 septembre. La première certitude que l’on a quand on est père de famille nombreuse, c’est que chaque enfant est unique, chaque naissance est unique, chaque accouchement est unique. Quand Eudes est né, deux autres mamans ont accouché à quelques minutes d’intervalle. Les trois heureux papas se sont donc retrouvés en même temps dans ce qu’on appelle la « salle de réanimation », probablement parce qu’on y fait tout sauf précisément des réanimations. Il y avait un jeune homme, dans les 25 ans, milieu ouvrier ou artisanal, papa pour la première fois. Il regardait le bébé sans trop savoir par quel bout cela se prenait. Le second papa devait probablement partir au travail juste après : lunettes de cadre et sacoche. Dans la vie de tous les jours, on ne serait probablement rien dit. Mais là, chacun a jeté un œil sur la progéniture de l’autre, échangeant des regards complices. Le même sourire complice que, lors d’une attente pour une échographie, ma femme et une jeune musulmane en tchador s’était échangé. En ce qui me concerne, ça avait beau être le sixième, il apportait autant de joie que le premier.

Le chanteur gauchiste Sting disait dans Russians : « The Russians loves their chidren too ». Les Russes (sous entendus, les Soviétiques) aiment aussi leurs enfants. Oui, les communistes soviétiques aimaient leurs enfants. Les nazis aussi. Idem pour les fascistes, les sionistes, les islamistes, les libéraux, les capitalistes et les gens qui se contrefichent de la politique et de la religion. Et si les guerres, si cruelles mais si inévitables, n’étaient dues ni à la soif de pouvoir, ni à la religion, ni à la politique, mais au simple instinct de survie des siens, du moins pour ceux qui la font (ne parlons pas de ceux qui la déclenchent) ? Car après tout, une guerre serait-elle possible sans soldats ? Au fond, chacun dans le monde, quelques soient ses convictions religieuses, politiques, philosophiques, quelque soit la couleur de sa peau, veut un avenir meilleur pour ses enfants, du pain, la justice et le respect de ses valeurs. Noble programme après tout, c’est également le mien. Si tout le monde s’en tenait à cela, ce serait déjà une bonne chose. Le problème est qu’il y a des gens si enthousiasmés par la supériorité auto-présumée de leurs valeurs qu’ils se sentent investis de la mission de les imposer aux autres. Que ces valeurs s’appellent le communisme, la démocratie, l’islam, les droits de l’homme ou le christianisme… Au début, ça commence par la propagande et cela reste soft : le religieux prêche sur la place, le communiste fait le tour des usines, le fasciste mobilise les classes moyennes, les libres-penseurs lettrés ruminent leurs théories. Mais vient le moment où l’on constate que l’autre est totalement imperméable à ses valeurs et qu’il est fort satisfait des siennes. Alors, on monte la pression d’un cran, par les poings ou par les lois, provoquant chez l’autre un sursaut défensif : se sentant menacé, il prend des mesures de rétorsion contre les partisans supposés de ce qui l’agresse. C’est pour cela que les notions de « gouvernement mondial » ou de faire cohabiter des gens trop différents est tératogène. Le rapport de force amènera toujours l’une ou l’autre des composantes de la macédoine à prendre le dessus sur l’autre. Au nom de la bonne cause, naturellement… Les alliances se feront et se déferont, chacun essayant de protéger au mieux les siens. Car c’est ce qui nous rapproche et nous éloignent à la fois : nos enfants.

Chaque parents à sa conception de ce qui est bon pour ses enfants. On transmet ce que l’on a reçu ou, au contraire, ce qui nous a manqué. De mon bureau, j’entends jouer mes enfants, je les entends rire, souvent, pleurer, parfois. Je les entends être eux-mêmes, en un mot, je les entends vivre. Chaque enfant est unique, il a sa personnalité propre et jamais un enfant ne peut en remplacer un autre. La perte d’un enfant est le plus grand des malheurs, c’est quelque chose que toute mère, que tout père tradilandais ressent. Mes enfants considèrent tous les autres enfants ou bébés de la chapelle comme des « cousins » et je les considère comme des neveux et des nièces. Quand un de nos enfants meurt, c’est tout Tradiland qui est en deuil. Qui dit famille nombreuse dit évidemment porte-monnaie vide. Là encore, aucune famille n’est laissée sur le bas côté : les familles dont les nombreux enfants ont grandi cèdent vêtements et matériel de puériculture aux jeunes couples déjà à la tête d’une considérable nichée. Pour le paiement des écoles, il y a toujours moyen de s’arranger avec les religieuses. Car l’enfant vaut plus que tout, plus que l’argent, plus que la situation, plus que tout ce qu’on sacrifie pour lui. Pour que la flamme soit transmise. Pour que la vie continue.
Au moment où j’écris ces lignes, la nuit est tombée depuis longtemps, et mes angelots dorment. Hermine, ma « boutte », mon aînée, déjà un tempérament de cheftaine et une vraie petite maman, dort avec «Marie mouton », sa brebis en peluche préféré, et son biberon d’eau. Marianick, ma « souricette », petite fille méticuleuse avec ses petites boîtes, ses petits trésors, ses petites affaires et ses 15 peluches dans son lit. Maël, mon « Goulou », avec sa petite tête à la Macauley Culkin, cabochard mais grand cœur, ne se séparant jamais de Teddy, son ours en peluche favori. Baudouin, mon « Binou », rieur, visage tout rond, mélange de Winnie l’Ourson et d’Alceste (celui du Petit Nicolas), capable d’engloutir quatre parts de tarte au thon en un repas. Alice, ma « poupette », avec ses grands yeux bleus à la Cameron Diaz et ses bouclettes blondes et qui, depuis l’arrivée du petit frère, ne se sépare jamais de Benoît, la poupée de sa sœur, qu’elle promène en ânonnant « Bébé ! bébé ! ». Et Eudes, mon « roudoudou », le dernier, yeux bleus grands ouvert, entouré et chéri par le reste de la fratrie. Dormez en paix, mes Angelots. Dieu vieille sur vous. Les petits angelots trop vites remontés au ciel sont là aussi au-dessus de vous, votre frère Camille, mais aussi Jeanne-Marie, Mayol, Raphaël et tous les autres. Dormez en paix, mes chers petits, papa et maman se battent pour que vous ayez un avenir. Pour le moment, papa se bat avec sa plume, mais si demain le vent mauvais se lève, et le vent mauvais se lève toujours, papa se battra avec d’autres armes. Mes chers petits, n’oubliez jamais que tous les papas qui meurent à la guerre, qu’ils aient l’uniforme de l’US Army, de l’Armée Française, de l’Armée Rouge ou du NKVD, de la Wehrmacht ou des SS, de Tsahal ou du Hezbollah, des gouvernements ou des rebelles, des miliciens ou des partisans, tout ces papas ont sur leur cœur la photo de leurs enfants. Pas celle de leurs dirigeants, de leurs médailles ou de leur relevé bancaire…