Le sapin d'Amélie (Editorial du Libre Arverne n°115 - 30 décembre 2004)
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Suite à l’affaire du « sapin de Noël » (voir Le Libre Arverne n°113), nous avons trouvé sur Internet ce « conte de Noël », fort triste, mais on ne peut plus d’actualité. Comme nous l’avons fait pour Villiers de l’Isle-Adam, laissons cette semaine l’éditorial à cette histoire intitulée Le Sapin d’Aurélie. « Aurélie, place la dernière guirlande devant, mais fais y très attention » L’enfant sortit de son coffret en bois, avec la plus grande précaution, la rangée de pères Noël en porcelaine, et s’avança vers le sapin. La grand- mère ressentait tous les ans, à ce moment précis, la même émotion. Elle se souvenait de la première fois que son grand-père lui avait confié cette tâche, comme une grande marque de confiance, et de la fierté ressentie. Le grand- père était mort au front parmi des milliers d’autres du village et des villages autour. La guirlande ancienne n’en avait pris que plus d’importance. Enfin son propre père mourut peu après son retour de captivité dans la guerre suivante. Il eut toutefois le temps de passer un Noël en France et de voir en famille le sapin et sa guirlande réunir la famille. Bien peu de cadeaux, quelques chants de Noël, mais ce bonheur intense de voir cet éclat dans les yeux des enfants que provoque un arbre illuminé. La guirlande continuait, d’année en année à rappeler les Noëls d’antan, les souffrances passées, les disparus de la famille, et à illuminer les yeux et cœurs des enfants de cette famille française. D’autres familles en France et dans le monde ressentaient au même instant cette même impression de bonheur et de paix ; les époques passaient, avec leur lot de peines et d’évènements, leurs améliorations parfois aussi, mais Noël restait, même dans les années les plus dures. Son père avait un jour évoqué un Noël lorsqu’il était prisonnier en Allemagne, où malgré souffrances et privations, chacun s’était senti meilleur, plus proche des autres. Croyants ou pas, tous avaient vécu la magie de Noël, celle qui transforme le cœur de chacun en cœur d’enfant. Avait suivi une période de relative prospérité, et repas et cadeaux avaient pris de l’ampleur. On voyait maintenant des sapins décorés partout en ville. Son mari travaillait dans une entreprise importante, et le comité d’entreprise y organisait tous les ans un arbre de Noël, où les enfants des salariés, après un spectacle, recevaient jouets et friandises des mains d’un impressionnant père Noël. La première fois, Aurélie terrorisée, avait pleuré à la vue de ce gigantesque personnage de rouge vêtu et à la barbe blanche, si loin par la taille, des figurines en porcelaine qui composaient la guirlande de son grand père. Elle en avait ri elle-même par la suite. Les Noëls d’entreprise des années suivantes se succédèrent, jusqu’à la fermeture de l’usine.
L’école aussi dressait tous les ans un sapin, et les enfants s’évertuaient pendant des heures à préparer eux-mêmes des ornements, à découper des figurines, à peindre des étoiles. Une nouvelle maîtresse, venue de la ville, décida que les heures de travaux manuels ne devaient être consacrées à cette décoration. Chacun apporterait de chez lui boules, guirlandes, clinquants que l’on trouvait à bas prix dans toute grande surface. On consacrerait une heure ou deux à l’orner, mais pas davantage. Les enfants furent déçus, mais leurs parents comprirent que travail et apprentissage devaient primer sur la fête, et ne s’émurent point de cette restriction. La maîtresse semblait consciencieuse, il ne fallait pas diminuer son ardeur. Pourtant, les travaux manuels continuaient à prendre une part importante dans les horaires scolaires. Tous les artisanats du monde, et la confection notamment d’objets et de dessins ayant pour thème l’Afrique occupèrent une bonne partie du trimestre. Comme on l’expliqua au parents, toutes les cultures se valant, il fallait dès leur plus jeune âge enrichir leur horizon par la découverte d’autres cultures. Devant l’ambition de tels enjeux culturels, les familles furent plutôt favorables à cette nouvelle méthode ; en outre, l’inspection académique en vanta la qualité, et la presse locale se fit même élogieuse dans un article consacré à l’exposition réalisée par les enfants, d’objets et de dessins africains. Un conteur africain vint d’ailleurs clore l’évènement et subjugua l’assistance par le charme des légendes anciennes, les couleurs de son vêtement et la musique de sa voix.
Aurélie était émerveillée : plus personne, depuis la mort de son grand père ne lui racontait d’histoires, et tout dans le récit du personnage lui révélait les beautés du mode de vie africain, la richesse de cette culture, et l’infinie bonté des personnages. Et l’intérêt de cette nouvelle méthode était double puisqu’elle permettait aux enfants d’apprendre tout en réalisant. Chaque fabrication de dessin ou d’objet donnait lieu à une explication de coutumes, à un petit cours d’Histoire sur l’Afrique. Et les notes du deuxième trimestre portèrent davantage sur cet aspect culturel et historique. Ainsi, diverses questions sur les rites religieux, leur compréhension furent abordées, ce qui tombait fort à propos, puisque le ramadan allait commencer. La maîtresse expliqua la valeur et le mérite des enfants qui réalisaient ce dur sacrifice ; ils étaient plusieurs dans la classe à s’y soumettre. Elle rappela que le conteur y avait fait allusion dans un de ses récits. Chacun des enfants fut invité à donner son opinion, et à raconter une histoire sur le ramadan. Certes, les notes des enfants plus familiarisés avec cette culture, africains ou maghrébins, furent meilleures. Aurélie n’en fut pas choquée ; elle était habituellement en tête de classe, et n’avait, cette fois obtenu qu’une note moyenne. C’était normal, se disait-elle, eux savaient des choses qu’elle ignorait et il était donc bien naturel que les notes le traduisent. Et puis c’était d’autant plus méritoire qu’ils souffraient du jeûne qu’impose le ramadan dans la journée. Quelques élèves, non musulmans, firent le ramadan avec eux, par solidarité, et la maîtresse les en félicita. A la fin du ramadan, les enfants musulmans apportèrent des gâteaux et en distribuèrent à tous ; la maîtresse remercia et en organisa le partage.
Au troisième trimestre, Aurélie fit sa première communion ; bien que ses parents ne soient pas vraiment pratiquants, ils y avaient tenu et elle aussi. Le lendemain, elle vint à l’école, toute fière de la petite croix en or que sa marraine lui avait offerte, et le cartable plein de petits sachets de dragées. La maîtresse lui demanda d’attendre la récréation pour en donner, car il y avait beaucoup de choses à faire ce jour-là. Avant la sortie, la maîtresse prit Aurélie un peu à part « cette croix en pendentif est très jolie, mais tu sais que certains ici ont d’autres religions, et il ne faudrait pas les choquer par de tels signes ostentatoires ; je comprends très bien que tu sois contente de la montrer car on vient de te l’offrir, mais ce serait mieux de ne pas la montrer. Tu es une bonne élève et je sais que tu me comprendras : ce sera mieux, pour que tout le monde soit pareil ». Un peu honteuse d’avoir pu, sans le vouloir, choquer d’autres personnes, et surtout de n’avoir pas réfléchi au fait qu’elle avait pu nuire à l’égalité que recommandait la maîtresse, Aurélie était un peu contrariée. Aussitôt rentrée, elle demanda à sa mère ce que voulait dire « signe ostentatoire » ; intriguée par cette question, cette dernière finit par apprendre le contenu de l’entretien et la recommandation de la maîtresse. « Ce n’est pas grave, tu la porteras sous ton pull, et toi seule saura qu’elle est là, et c’est ce qui compte » dit la mère, soucieuse d’éviter tout conflit. Elle s’en entretint quand même avec son époux, dès qu’Aurélie fut couchée. « C’est quand même étrange, de lui interdire une petite croix » dit la mère. « On les a enlevées des murs de l’école, cela, je le comprenais, mais qu’on lui fasse des réflexions pour une petite croix, alors qu’elle leur a expliqué ce qu’était le ramadan, qu’il n’y a plus que des repas musulmans, sans porc, à la cantine, là je trouve qu’elle pousse un peu ». « Oui, mais elle a un peu raison » , dit le père, « l’école doit être laïque, et il ne faut pas que les enfants soient divisés par ces choses-là ; et puis demain d’autres pourraient bien en profiter pour venir prêcher, ou exagérer par des tenues trop visibles. Il paraît qu’au collège déjà, des filles viennent avec un tchador, un voile islamique disent-elles, et que ça a fait des tas d’histoires ; il y avait des imams barbus à la sortie et les télévisions qui les interviewaient ». « Mais là ce n’est pas pareil, une petite croix ! C’est quand même dans nos traditions, non ? Nos morts sont bien enterrés avec une croix, non ? » « Que veux-tu, le monde change, et il faut bien faire avec » « Quand même ! Eux viennent nous expliquer leurs traditions, et les font même enseigner à l’école, et nous devons cacher les nôtres ? » Aurélie cacha sa croix ; on n’en reparla plus.
A la rentrée des classes, Aurélie retrouva la même maîtresse, ses camarades et quelques nouveaux élèves arrivés récemment en France. La maîtresse les présenta et expliqua à tous qu’il allait falloir être très attentifs à eux, car ils ne parlaient pas encore bien le Français. L’un d’eux fut installé à côté d’Aurélie, bonne élève, qui pourrait ainsi mieux l’aider. Aurélie fit tout ce qu’elle put, au cours des semaines, pour lui recopier certaines leçons, lui expliquer certains mots. Enfin, vint la période de Noël qu’Aurélie aimait tant. Chez elle, un petit calendrier muni de fenêtres qu’elle ouvrait selon le chiffre du jour, chaque matin en se levant, traduisait son impatience. Vers le quinze décembre, on commença à décorer le sapin. Aurélie avait le privilège de placer la guirlande ancienne du grand père, son petit frère s’occupant de placer boules et clinquants sur les branches inférieures. Aurélie eut soudain une idée : « Si je prêtais la guirlande pour le sapin de l’école ? ». Sa mère sembla un peu contrariée : « cette guirlande est très fragile, et j’y tiens beaucoup, tu le sais ». « Oui mais je voudrais tant que les autres la voient ; il faut savoir partager, nous a dit la maîtresse. Tu te souviens après le ramadan de tous les enfants qui avaient apporté des gâteaux de chez eux ? Et puis le conteur qui était venu nous expliquer des traditions de là-bas, et tous les objets que nous avions fabriqués pour connaître les coutumes de tous ces pays. Oh maman, j’y ferai très attention ; tu sais bien que je suis soigneuse.». A contrecœur, la mère finit par céder. Après tout, le grand-père serait sans doute content de voir sa descendance si généreuse et ouverte. Le lundi avant Noël, Aurélie toute fière, présenta à la maîtresse le coffret de la précieuse guirlande. La maîtresse fit un curieux sourire et lui demanda de s’asseoir et d’écouter. « Les enfants, cette année, nous avons décidé de ne pas faire d’arbre de Noël ; vous savez tous que Noël est une fête religieuse et que certains enfants ne la fêtent pas. Afin qu’ils ne se sentent pas exclus, nous avons donc décidé de ne plus privilégier nos fêtes ». Aurélie se mit à pleurer sans le moindre bruit. Tout se mit à tourner dans sa tête, les Noëls de son arrière grand-père en captivité que lui avait raconté sa grand-mère, les années où son père licencié avait fini par trouver un sapin, on ne sait comment, le soir même du 24 décembre, les Noëls du comité d’entreprise, le bonheur d’être ensemble et de penser à tous vivants ou disparus. Et on lui parlait aujourd’hui de tout cela comme propre à exclure ? Son chagrin était immense ; qui avait-elle exclu ? Quelle tradition avait-elle refusée d’accepter dans celles qu’on lui avait faites apprendre et même appliquer l’année dernière, en fabriquant tous les objets africains que la maîtresse avait voulus ? Avait-elle refusé d’écouter le conteur, de partager les gâteaux de fin de ramadan, d’écrire la leçon que la maîtresse avait faite sur cette coutume ? Non, elle avait tout accepté, travaillé avec soin...et on lui refusait d’offrir ce qui était le plus précieux à ses yeux d’enfant : la guirlande de son grand-père, le sapin de Noël ........ On venait de tuer une âme d’enfant, méthodiquement, scientifiquement. Pas pour le plaisir, pour l’efficacité : toute trace de tradition, d’identité devait être effacée afin de céder la place à d’autres. Certains brûlent le drapeau, d’autres suppriment les sapins de Noël mais tous ont un point commun : la naissance d’un enfant à Bethléem, qui plaçait l’amour au-dessus de toute autre valeur, il y a deux mille ans, et la civilisation qui en fut engendrée les dérangeaient au plus au point. Et cette haine, par méthodes, leçons, violences ou interdits est le seul cadeau qu’ils donnent aux âmes d’enfants qui n’ont que l’amour à offrir. Pour détruire un pays, commencez par tuer les âmes d’enfants, c’est beaucoup plus facile. Un sapin peut parfois y suffire ».
Voilà comment le régime procède pour tuer nos enfants. Scolariser nos enfants dans leurs écoles n’est pas une faute. C’est un crime. Ils ne veulent rien de ce que l’on apporte et ce qu’ils ont ne nous intéresse pas. Cela fait des années que je cherche la solution. Tel Archimède criant Eureka, je cours sur l’agora en hurlant : « Tradiland ! ». J’ai beau creuser et recreuser la chose dans tous les sens, c’est notre seule porte de sortie. Il faut cesser de se comporter comme des autruches : la société ne veut plus de nous, nous ne voulons plus d’elle. Nous sommes devenus un peuple DIFFERENT ! Nous avons notre culture, notre mémoire, nos valeurs, notre histoire, notre église, nos joies, nos peines… Pendant des décennies, nous avons pris des vessies pour des lanternes. Nous croyons nous battre pour la France alors que nous nous battions pour ceux qui la détruisaient. La France n’existe plus. Ou plutôt, nous en sommes les derniers représentants, les derniers indigènes, les Sitting Bull parqués dans des réserves en attendant je ne sais quoi, se lamentant sur le bien-être passé mais ne faisant rien d’autre. Une nation, c’est une union de personnes voulant vivre ensemble selon un projet commun, sur un territoire donné avec une administration propre. Un peuple, une terre, un chef. Nous avons le peuple, le chef on peut l’avoir, il nous manque encore le territoire. Nous n’avons plus rien à voir avec ceux qui nous dirigent voire même avec ceux que nous côtoyons chaque jour. Qui n’a pas hâte, le dimanche après la messe, d’être déjà le dimanche suivant pour se retrouver comme en famille avec des gens comme nous ? Des gens qui nous sont chers ? Il suffit de voir les faire-parts dans les journaux des divers prieurés, les fêtes diverses et variées, de parler les uns avec les autres pour s’en rendre compte : on vit entre nous, on s’amuse entre nous, nous enfants se fréquentent, s’apprécient, se marient entre eux, les convertis viennent apporter un peu de sang neuf et leur expérience, on s’échange des livres, des cassettes doctrinales ou de musique, on s’invite les uns les autres, formidable brassage de classes sociales mais mêmes valeurs. Nous sommes des nobles et des roturiers, des riches et des pauvres, des intellectuels et des manuels, des traditionalistes de naissance et des convertis « naturalisés », nous sommes des Auvergnats, des Bretons, des Picards, des Franciliens, des Lorrains et même des Antillais… Nous sommes un peuple. Nous sommes les Tradilandais !!!
L’école aussi dressait tous les ans un sapin, et les enfants s’évertuaient pendant des heures à préparer eux-mêmes des ornements, à découper des figurines, à peindre des étoiles. Une nouvelle maîtresse, venue de la ville, décida que les heures de travaux manuels ne devaient être consacrées à cette décoration. Chacun apporterait de chez lui boules, guirlandes, clinquants que l’on trouvait à bas prix dans toute grande surface. On consacrerait une heure ou deux à l’orner, mais pas davantage. Les enfants furent déçus, mais leurs parents comprirent que travail et apprentissage devaient primer sur la fête, et ne s’émurent point de cette restriction. La maîtresse semblait consciencieuse, il ne fallait pas diminuer son ardeur. Pourtant, les travaux manuels continuaient à prendre une part importante dans les horaires scolaires. Tous les artisanats du monde, et la confection notamment d’objets et de dessins ayant pour thème l’Afrique occupèrent une bonne partie du trimestre. Comme on l’expliqua au parents, toutes les cultures se valant, il fallait dès leur plus jeune âge enrichir leur horizon par la découverte d’autres cultures. Devant l’ambition de tels enjeux culturels, les familles furent plutôt favorables à cette nouvelle méthode ; en outre, l’inspection académique en vanta la qualité, et la presse locale se fit même élogieuse dans un article consacré à l’exposition réalisée par les enfants, d’objets et de dessins africains. Un conteur africain vint d’ailleurs clore l’évènement et subjugua l’assistance par le charme des légendes anciennes, les couleurs de son vêtement et la musique de sa voix.
Aurélie était émerveillée : plus personne, depuis la mort de son grand père ne lui racontait d’histoires, et tout dans le récit du personnage lui révélait les beautés du mode de vie africain, la richesse de cette culture, et l’infinie bonté des personnages. Et l’intérêt de cette nouvelle méthode était double puisqu’elle permettait aux enfants d’apprendre tout en réalisant. Chaque fabrication de dessin ou d’objet donnait lieu à une explication de coutumes, à un petit cours d’Histoire sur l’Afrique. Et les notes du deuxième trimestre portèrent davantage sur cet aspect culturel et historique. Ainsi, diverses questions sur les rites religieux, leur compréhension furent abordées, ce qui tombait fort à propos, puisque le ramadan allait commencer. La maîtresse expliqua la valeur et le mérite des enfants qui réalisaient ce dur sacrifice ; ils étaient plusieurs dans la classe à s’y soumettre. Elle rappela que le conteur y avait fait allusion dans un de ses récits. Chacun des enfants fut invité à donner son opinion, et à raconter une histoire sur le ramadan. Certes, les notes des enfants plus familiarisés avec cette culture, africains ou maghrébins, furent meilleures. Aurélie n’en fut pas choquée ; elle était habituellement en tête de classe, et n’avait, cette fois obtenu qu’une note moyenne. C’était normal, se disait-elle, eux savaient des choses qu’elle ignorait et il était donc bien naturel que les notes le traduisent. Et puis c’était d’autant plus méritoire qu’ils souffraient du jeûne qu’impose le ramadan dans la journée. Quelques élèves, non musulmans, firent le ramadan avec eux, par solidarité, et la maîtresse les en félicita. A la fin du ramadan, les enfants musulmans apportèrent des gâteaux et en distribuèrent à tous ; la maîtresse remercia et en organisa le partage.
Au troisième trimestre, Aurélie fit sa première communion ; bien que ses parents ne soient pas vraiment pratiquants, ils y avaient tenu et elle aussi. Le lendemain, elle vint à l’école, toute fière de la petite croix en or que sa marraine lui avait offerte, et le cartable plein de petits sachets de dragées. La maîtresse lui demanda d’attendre la récréation pour en donner, car il y avait beaucoup de choses à faire ce jour-là. Avant la sortie, la maîtresse prit Aurélie un peu à part « cette croix en pendentif est très jolie, mais tu sais que certains ici ont d’autres religions, et il ne faudrait pas les choquer par de tels signes ostentatoires ; je comprends très bien que tu sois contente de la montrer car on vient de te l’offrir, mais ce serait mieux de ne pas la montrer. Tu es une bonne élève et je sais que tu me comprendras : ce sera mieux, pour que tout le monde soit pareil ». Un peu honteuse d’avoir pu, sans le vouloir, choquer d’autres personnes, et surtout de n’avoir pas réfléchi au fait qu’elle avait pu nuire à l’égalité que recommandait la maîtresse, Aurélie était un peu contrariée. Aussitôt rentrée, elle demanda à sa mère ce que voulait dire « signe ostentatoire » ; intriguée par cette question, cette dernière finit par apprendre le contenu de l’entretien et la recommandation de la maîtresse. « Ce n’est pas grave, tu la porteras sous ton pull, et toi seule saura qu’elle est là, et c’est ce qui compte » dit la mère, soucieuse d’éviter tout conflit. Elle s’en entretint quand même avec son époux, dès qu’Aurélie fut couchée. « C’est quand même étrange, de lui interdire une petite croix » dit la mère. « On les a enlevées des murs de l’école, cela, je le comprenais, mais qu’on lui fasse des réflexions pour une petite croix, alors qu’elle leur a expliqué ce qu’était le ramadan, qu’il n’y a plus que des repas musulmans, sans porc, à la cantine, là je trouve qu’elle pousse un peu ». « Oui, mais elle a un peu raison » , dit le père, « l’école doit être laïque, et il ne faut pas que les enfants soient divisés par ces choses-là ; et puis demain d’autres pourraient bien en profiter pour venir prêcher, ou exagérer par des tenues trop visibles. Il paraît qu’au collège déjà, des filles viennent avec un tchador, un voile islamique disent-elles, et que ça a fait des tas d’histoires ; il y avait des imams barbus à la sortie et les télévisions qui les interviewaient ». « Mais là ce n’est pas pareil, une petite croix ! C’est quand même dans nos traditions, non ? Nos morts sont bien enterrés avec une croix, non ? » « Que veux-tu, le monde change, et il faut bien faire avec » « Quand même ! Eux viennent nous expliquer leurs traditions, et les font même enseigner à l’école, et nous devons cacher les nôtres ? » Aurélie cacha sa croix ; on n’en reparla plus.
A la rentrée des classes, Aurélie retrouva la même maîtresse, ses camarades et quelques nouveaux élèves arrivés récemment en France. La maîtresse les présenta et expliqua à tous qu’il allait falloir être très attentifs à eux, car ils ne parlaient pas encore bien le Français. L’un d’eux fut installé à côté d’Aurélie, bonne élève, qui pourrait ainsi mieux l’aider. Aurélie fit tout ce qu’elle put, au cours des semaines, pour lui recopier certaines leçons, lui expliquer certains mots. Enfin, vint la période de Noël qu’Aurélie aimait tant. Chez elle, un petit calendrier muni de fenêtres qu’elle ouvrait selon le chiffre du jour, chaque matin en se levant, traduisait son impatience. Vers le quinze décembre, on commença à décorer le sapin. Aurélie avait le privilège de placer la guirlande ancienne du grand père, son petit frère s’occupant de placer boules et clinquants sur les branches inférieures. Aurélie eut soudain une idée : « Si je prêtais la guirlande pour le sapin de l’école ? ». Sa mère sembla un peu contrariée : « cette guirlande est très fragile, et j’y tiens beaucoup, tu le sais ». « Oui mais je voudrais tant que les autres la voient ; il faut savoir partager, nous a dit la maîtresse. Tu te souviens après le ramadan de tous les enfants qui avaient apporté des gâteaux de chez eux ? Et puis le conteur qui était venu nous expliquer des traditions de là-bas, et tous les objets que nous avions fabriqués pour connaître les coutumes de tous ces pays. Oh maman, j’y ferai très attention ; tu sais bien que je suis soigneuse.». A contrecœur, la mère finit par céder. Après tout, le grand-père serait sans doute content de voir sa descendance si généreuse et ouverte. Le lundi avant Noël, Aurélie toute fière, présenta à la maîtresse le coffret de la précieuse guirlande. La maîtresse fit un curieux sourire et lui demanda de s’asseoir et d’écouter. « Les enfants, cette année, nous avons décidé de ne pas faire d’arbre de Noël ; vous savez tous que Noël est une fête religieuse et que certains enfants ne la fêtent pas. Afin qu’ils ne se sentent pas exclus, nous avons donc décidé de ne plus privilégier nos fêtes ». Aurélie se mit à pleurer sans le moindre bruit. Tout se mit à tourner dans sa tête, les Noëls de son arrière grand-père en captivité que lui avait raconté sa grand-mère, les années où son père licencié avait fini par trouver un sapin, on ne sait comment, le soir même du 24 décembre, les Noëls du comité d’entreprise, le bonheur d’être ensemble et de penser à tous vivants ou disparus. Et on lui parlait aujourd’hui de tout cela comme propre à exclure ? Son chagrin était immense ; qui avait-elle exclu ? Quelle tradition avait-elle refusée d’accepter dans celles qu’on lui avait faites apprendre et même appliquer l’année dernière, en fabriquant tous les objets africains que la maîtresse avait voulus ? Avait-elle refusé d’écouter le conteur, de partager les gâteaux de fin de ramadan, d’écrire la leçon que la maîtresse avait faite sur cette coutume ? Non, elle avait tout accepté, travaillé avec soin...et on lui refusait d’offrir ce qui était le plus précieux à ses yeux d’enfant : la guirlande de son grand-père, le sapin de Noël ........ On venait de tuer une âme d’enfant, méthodiquement, scientifiquement. Pas pour le plaisir, pour l’efficacité : toute trace de tradition, d’identité devait être effacée afin de céder la place à d’autres. Certains brûlent le drapeau, d’autres suppriment les sapins de Noël mais tous ont un point commun : la naissance d’un enfant à Bethléem, qui plaçait l’amour au-dessus de toute autre valeur, il y a deux mille ans, et la civilisation qui en fut engendrée les dérangeaient au plus au point. Et cette haine, par méthodes, leçons, violences ou interdits est le seul cadeau qu’ils donnent aux âmes d’enfants qui n’ont que l’amour à offrir. Pour détruire un pays, commencez par tuer les âmes d’enfants, c’est beaucoup plus facile. Un sapin peut parfois y suffire ».
Voilà comment le régime procède pour tuer nos enfants. Scolariser nos enfants dans leurs écoles n’est pas une faute. C’est un crime. Ils ne veulent rien de ce que l’on apporte et ce qu’ils ont ne nous intéresse pas. Cela fait des années que je cherche la solution. Tel Archimède criant Eureka, je cours sur l’agora en hurlant : « Tradiland ! ». J’ai beau creuser et recreuser la chose dans tous les sens, c’est notre seule porte de sortie. Il faut cesser de se comporter comme des autruches : la société ne veut plus de nous, nous ne voulons plus d’elle. Nous sommes devenus un peuple DIFFERENT ! Nous avons notre culture, notre mémoire, nos valeurs, notre histoire, notre église, nos joies, nos peines… Pendant des décennies, nous avons pris des vessies pour des lanternes. Nous croyons nous battre pour la France alors que nous nous battions pour ceux qui la détruisaient. La France n’existe plus. Ou plutôt, nous en sommes les derniers représentants, les derniers indigènes, les Sitting Bull parqués dans des réserves en attendant je ne sais quoi, se lamentant sur le bien-être passé mais ne faisant rien d’autre. Une nation, c’est une union de personnes voulant vivre ensemble selon un projet commun, sur un territoire donné avec une administration propre. Un peuple, une terre, un chef. Nous avons le peuple, le chef on peut l’avoir, il nous manque encore le territoire. Nous n’avons plus rien à voir avec ceux qui nous dirigent voire même avec ceux que nous côtoyons chaque jour. Qui n’a pas hâte, le dimanche après la messe, d’être déjà le dimanche suivant pour se retrouver comme en famille avec des gens comme nous ? Des gens qui nous sont chers ? Il suffit de voir les faire-parts dans les journaux des divers prieurés, les fêtes diverses et variées, de parler les uns avec les autres pour s’en rendre compte : on vit entre nous, on s’amuse entre nous, nous enfants se fréquentent, s’apprécient, se marient entre eux, les convertis viennent apporter un peu de sang neuf et leur expérience, on s’échange des livres, des cassettes doctrinales ou de musique, on s’invite les uns les autres, formidable brassage de classes sociales mais mêmes valeurs. Nous sommes des nobles et des roturiers, des riches et des pauvres, des intellectuels et des manuels, des traditionalistes de naissance et des convertis « naturalisés », nous sommes des Auvergnats, des Bretons, des Picards, des Franciliens, des Lorrains et même des Antillais… Nous sommes un peuple. Nous sommes les Tradilandais !!!
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