Un mariage à Tradiland (Editorial du Libre Arverne - 19 juin 2004)
Jeudi 12, The Fersan’s Family était de mariage. La marraine de mon aînée convolait en juste noces à Notre-Dame-du-Pointet. Une fois franchi le porche où la statue de la Vierge nous attendait ouvrant ses mains en signe d’accueil et de miséricorde, c’est comme si nous avions passé la frontière. Bienvenue à Tradiland ! Pour parodier une marche militaire allemande, c’était «Mein Tradiland, Mein Heimatland ». La chapelle est trop petite pour accueillir la famille et les amis des mariés. Avec la robe jaune et la couronne de fleurs des enfants d’honneur, mon aînée était installée au premier rang avec les autres petits du cortège et les petits acolytes en soutanelle rouge. Juste retour des choses : la demoiselle d’honneur en chef lors de notre mariage était précisément la mariée. Comme le temps passe. Il n’y a plus grand chose à voir entre un mariage « du monde » et un mariage « tradilandais ». Après le darwinisme social, le wegenerisme social : comme les continents, les sociétés dérivent inexorablement. Elles s’éloignent. Déjà, elles n’ont plus rien à se dire. Bientôt viendra le jour où elles ne se verront même plus. La petite mariée était belle comme une poupée de collection dans sa robe virginale en satin qu’elle était digne de porter et le grand marié était martial dans son uniforme d’apparat de sous-lieutenant, portant ses trois décorations. L’occasion pour nous de revoir un couple d’amis du temps du Chapitre Saint-Joseph et de mon premier pèlerinage de Chartres, qui a fui une Seine-Saint-Denis où il était étranger pour le paisible Bourbonnais… Nous nous sommes mariés la même année, 1997. Eux en mai, nous en octobre. Ils ont cinq enfants, nous aurons le cinquième en janvier. Sauf coup du sort, nous risquons fort de faire encore grimper l’indice de fécondité tradilandais qui, d’après les dernières études, est encore à la hausse : 6,4 au lieu de 5,9 !
Beaucoup d’uniformes : le marié, nous l’avons dit, le papa du marié et ses cinq galons de colonel, le témoin du marié qui n’est autre que l’époux de la marraine de ma deuxième fille (nous sommes une immense famille)… Armée de Terre, Marine, Armée de l’Air, Gendarmerie, toutes les armes étaient représentées. La peste soit de ce vaccin maudit m’empêchant de rentrer dans mon uniforme d’Enseigne de vaisseau de 1e classe. Car si la femme doit porter ne serait-ce qu’une fois dans sa vie la robe de grossesse pour être pleinement femme, l’homme doit porter ne serait-ce qu’une fois dans sa vie l’uniforme pour être pleinement homme… Malgré l’origine modeste des deux époux, les familles et les amis sont habillés selon les convenances tradilandaises, aussi immuables que le cycle des saisons ou le lever du soleil : chapeaux et robes décentes pour les dames, costumes et cravates pour les messieurs de la société civile. Les ventres arrondis de plusieurs jeunes femmes confirment la légende selon laquelle tout Tradiland est dans le fichier-client de Sodial (célèbre grossiste en dragées de luxe sis à Cournon d’Auvergne). L’un des moment forts du mariage a été la haie d’honneur réalisée par les camarades de promotion du marié, tous en tenue d’apparat. « Présentez armes ! ». Les officiers tendirent leur sabre en l’air, à bout de bras, et les époux passèrent sous cette arche métallique. Voici nos deux amoureux mariés suite à une belle messe et un sermon « pêchu », comme diraient nos jeunes officiers, du prêtre qui rappela les devoirs du mari et de la femme, notamment que si le mari est chef de famille, il doit se sacrifier pour sa femme et ses enfants et être un exemple perpétuel, ce qui est plus facile à dire qu’à faire…
En regardant l’assemblée, j’étais chez moi. Ce sont mes frères, mes compatriotes. Le nombre de non-Tradilandais présents devait se compter sur les doigts de la main gauche du capitaine Crochet… Nous avons les mêmes valeurs, la même culture, la même histoire, les mêmes joies, les mêmes peines. Nous sommes le même peuple ! Un peuple nouveau, un peuple en train de naître. Il faut que de chapelle en chapelle le message passe. Nous n’avons plus rien à voir avec ce régime. Lors de ce mariage, c’est comme si nous étions tous cousins à la mode de Bretagne. Les joies d’une famille tradie, c’est notre joie. Leur peine, c’est notre peine. Quand la petite Jeanne-Marie a été martyrisée (et comment ne pas penser à elle, petit ange remonté au ciel quand on a sous les jeux les petites filles du cortège dans leur robe d’innocence), c’est comme si tous mes enfants avaient perdu leur cousine. C’est comme si nous avions perdu notre propre nièce. Un mort dans notre chapelle est quasiment un deuil familial, une naissance est une joie. J’ai toujours d’ailleurs un pincement au cœur quand je vois une jeune mariée de notre grande famille, pensant toujours à Françoise Armagnac, fusillée dans sa robe blanche en haine de la Foi un sinistre jour de 1944 par la racaille communiste à la suite de plusieurs heures de calvaire. L’un des hauts moments du mariage fut le repas de noces. Outre les habituels « compliments » à la mariée faits par les sœurs (niark, niark, niark…) et au « panier du marié » (où l’on brocarde les épisodes marquants et les petits travers de la vie du marié, avec ici la présence d’un oreiller, d’un livre de devoirs de vacances pour l’anglais niveau 6e et de pleins d’autre choses encore), nous avons assisté à une soirée des plus sympathiques, où toute vulgarité était bannie. Pas de cette coutume dégradante qu’est « la jarretière de la mariée », preuve que chez nous les catholiques, la femme n’est pas un objet à vendre : la dot, ainsi que cette coutume venue du Moyen-Age, répugnante et attentatoire à la dignité de la femme, n’ont pas place chez nous.
Vint alors la fin du repas (pour le moins excellent, mais pourquoi faut-il que sur plus de 120 invités, le seul qui ait trouvé une agrafe dans ses champignons fut encore moi… Il n’y a que dans l’octave de l’Epiphanie que je trouve rien dans mon assiette) et le moment qui nous a plongés avec Madame de Fersan dans une crise de rire inextinguible : la fête. Imaginez le disc-jockey qui devait avoir quelques mariages derrière lui quand il a vu ce qu’on lui demandait comme musique. Il n’avait pas une mauvaise tête, des cheveux frisés roux qui lui donnaient de faux airs, en bien plus juvénile, de Martin Peltier ou de l’ami Mikaël Petit, notre vice-président. Mais pendant deux bonnes heures, il nous a fait un syndrome Robert Tripoux (selon la parodie des Nuls « Top Sentier » où sur 40 chanteurs classes dans cette parodie du Hit-parade, il y avait 39 Juifs et le fameux Robert Tripoux dont le titre de la chanson était un Qu’est-ce que je fous là ? sans ambiguïté). La première danse, tradition oblige, fut une valse, les mariés ouvrant le bal. S’en suivit ensuite une longue série de valse (et les jeunes n’étaient pas les derniers à savoir la danser) puis (et la tête du DJ valait son pesant de nougatine), le quadrille des lanciers, donnant à la soirée un côté XIXe siècle des plus agréables. Pauvre disc-jockey, il n’était pas au bout de son étonnement. Après le quadrille, retour des valses. Humiliation suprême sur le coup de deux heures du matin… voulant coûte que coûte nous mettre sa musique de daube (et il a attaqué fort le monstre : Jean-Jacques Goldmann et Louise Attaque) il vit la piste de danse se vider aussi rapidement et devenir aussi déserte qu’une église conciliaire de banlieue ! Avec ma douce, cela nous a réjouit pour le reste de la semaine ! Pendant cette soirée, notre aînée a encore fait sa cheftaine, organisant les jeux et prenant en main des enfants plus âgées qu’elle. Elle s’est ensuite trouvée une amie de son âge, la petite huitième d’une fratrie de onze, aussi blonde et aussi chipette qu’elle… «Mon papa, vous voulez bien que Blanche vienne jouer à la maison un jour ? » me dit du haut de ses 5 ans mon petit adjudant qui a les cheveux anglaisés blonds et les yeux noisettes de sa maman mais qui a le sens de la répartie de son papa. Elle va promettre celle-là, c’est moi qui vous le dis et chez les Fersan, c’est comme chez les Le Pen : vous avez eu le père, vous allez avoir la fille !!!
Le lendemain, comme un “choc en retour”, j’ai reçu une missive de la Fête du Livre d’Aigueperse à laquelle je devais me rendre le 22 août et où j’avais participé deux années de suite. Le président en personne m’envoyait une lettre manuscrite (avec accusé de réception s’il vous plaît…) m’indiquant sans rire que « ma présence était indésirable » et que de plus « je n’étais pas membre de l’association », ce qui est faux, ayant acquitté la cotisation l’an dernier et celle d’avant. Le KGB n’est plus ce qu’il était : ils ont mis deux ans à s’apercevoir que j’étais sur la « liste noire » des écrivains. Nostalgiques du « Comité des Ecrivains » de 1944 pas morts. Enfin, je ne suis pas à plaindre. Pour le même crime (avoir déplu aux communistes) en 1945, Marguerite Thivat a agonisé trois jours pendue au pont d’Aigueperse en tenue d’Eve, les yeux crevés et la langue arrachée… Loin de me chagriner, cette exclusion ne peut que me réjouir. Plus on nous chassera, plus on nous discriminera, plus on nous interdira, plus on nous privera de la plus élémentaire des dignités et plus les gens comprendront la nécessité de l’état tradilandais, par nous et pour nous… Tiens, à propos de rien, samedi 21 nous nous rendons devinez où ? A un autre mariage tradilandais pardi !!!
Beaucoup d’uniformes : le marié, nous l’avons dit, le papa du marié et ses cinq galons de colonel, le témoin du marié qui n’est autre que l’époux de la marraine de ma deuxième fille (nous sommes une immense famille)… Armée de Terre, Marine, Armée de l’Air, Gendarmerie, toutes les armes étaient représentées. La peste soit de ce vaccin maudit m’empêchant de rentrer dans mon uniforme d’Enseigne de vaisseau de 1e classe. Car si la femme doit porter ne serait-ce qu’une fois dans sa vie la robe de grossesse pour être pleinement femme, l’homme doit porter ne serait-ce qu’une fois dans sa vie l’uniforme pour être pleinement homme… Malgré l’origine modeste des deux époux, les familles et les amis sont habillés selon les convenances tradilandaises, aussi immuables que le cycle des saisons ou le lever du soleil : chapeaux et robes décentes pour les dames, costumes et cravates pour les messieurs de la société civile. Les ventres arrondis de plusieurs jeunes femmes confirment la légende selon laquelle tout Tradiland est dans le fichier-client de Sodial (célèbre grossiste en dragées de luxe sis à Cournon d’Auvergne). L’un des moment forts du mariage a été la haie d’honneur réalisée par les camarades de promotion du marié, tous en tenue d’apparat. « Présentez armes ! ». Les officiers tendirent leur sabre en l’air, à bout de bras, et les époux passèrent sous cette arche métallique. Voici nos deux amoureux mariés suite à une belle messe et un sermon « pêchu », comme diraient nos jeunes officiers, du prêtre qui rappela les devoirs du mari et de la femme, notamment que si le mari est chef de famille, il doit se sacrifier pour sa femme et ses enfants et être un exemple perpétuel, ce qui est plus facile à dire qu’à faire…
En regardant l’assemblée, j’étais chez moi. Ce sont mes frères, mes compatriotes. Le nombre de non-Tradilandais présents devait se compter sur les doigts de la main gauche du capitaine Crochet… Nous avons les mêmes valeurs, la même culture, la même histoire, les mêmes joies, les mêmes peines. Nous sommes le même peuple ! Un peuple nouveau, un peuple en train de naître. Il faut que de chapelle en chapelle le message passe. Nous n’avons plus rien à voir avec ce régime. Lors de ce mariage, c’est comme si nous étions tous cousins à la mode de Bretagne. Les joies d’une famille tradie, c’est notre joie. Leur peine, c’est notre peine. Quand la petite Jeanne-Marie a été martyrisée (et comment ne pas penser à elle, petit ange remonté au ciel quand on a sous les jeux les petites filles du cortège dans leur robe d’innocence), c’est comme si tous mes enfants avaient perdu leur cousine. C’est comme si nous avions perdu notre propre nièce. Un mort dans notre chapelle est quasiment un deuil familial, une naissance est une joie. J’ai toujours d’ailleurs un pincement au cœur quand je vois une jeune mariée de notre grande famille, pensant toujours à Françoise Armagnac, fusillée dans sa robe blanche en haine de la Foi un sinistre jour de 1944 par la racaille communiste à la suite de plusieurs heures de calvaire. L’un des hauts moments du mariage fut le repas de noces. Outre les habituels « compliments » à la mariée faits par les sœurs (niark, niark, niark…) et au « panier du marié » (où l’on brocarde les épisodes marquants et les petits travers de la vie du marié, avec ici la présence d’un oreiller, d’un livre de devoirs de vacances pour l’anglais niveau 6e et de pleins d’autre choses encore), nous avons assisté à une soirée des plus sympathiques, où toute vulgarité était bannie. Pas de cette coutume dégradante qu’est « la jarretière de la mariée », preuve que chez nous les catholiques, la femme n’est pas un objet à vendre : la dot, ainsi que cette coutume venue du Moyen-Age, répugnante et attentatoire à la dignité de la femme, n’ont pas place chez nous.
Vint alors la fin du repas (pour le moins excellent, mais pourquoi faut-il que sur plus de 120 invités, le seul qui ait trouvé une agrafe dans ses champignons fut encore moi… Il n’y a que dans l’octave de l’Epiphanie que je trouve rien dans mon assiette) et le moment qui nous a plongés avec Madame de Fersan dans une crise de rire inextinguible : la fête. Imaginez le disc-jockey qui devait avoir quelques mariages derrière lui quand il a vu ce qu’on lui demandait comme musique. Il n’avait pas une mauvaise tête, des cheveux frisés roux qui lui donnaient de faux airs, en bien plus juvénile, de Martin Peltier ou de l’ami Mikaël Petit, notre vice-président. Mais pendant deux bonnes heures, il nous a fait un syndrome Robert Tripoux (selon la parodie des Nuls « Top Sentier » où sur 40 chanteurs classes dans cette parodie du Hit-parade, il y avait 39 Juifs et le fameux Robert Tripoux dont le titre de la chanson était un Qu’est-ce que je fous là ? sans ambiguïté). La première danse, tradition oblige, fut une valse, les mariés ouvrant le bal. S’en suivit ensuite une longue série de valse (et les jeunes n’étaient pas les derniers à savoir la danser) puis (et la tête du DJ valait son pesant de nougatine), le quadrille des lanciers, donnant à la soirée un côté XIXe siècle des plus agréables. Pauvre disc-jockey, il n’était pas au bout de son étonnement. Après le quadrille, retour des valses. Humiliation suprême sur le coup de deux heures du matin… voulant coûte que coûte nous mettre sa musique de daube (et il a attaqué fort le monstre : Jean-Jacques Goldmann et Louise Attaque) il vit la piste de danse se vider aussi rapidement et devenir aussi déserte qu’une église conciliaire de banlieue ! Avec ma douce, cela nous a réjouit pour le reste de la semaine ! Pendant cette soirée, notre aînée a encore fait sa cheftaine, organisant les jeux et prenant en main des enfants plus âgées qu’elle. Elle s’est ensuite trouvée une amie de son âge, la petite huitième d’une fratrie de onze, aussi blonde et aussi chipette qu’elle… «Mon papa, vous voulez bien que Blanche vienne jouer à la maison un jour ? » me dit du haut de ses 5 ans mon petit adjudant qui a les cheveux anglaisés blonds et les yeux noisettes de sa maman mais qui a le sens de la répartie de son papa. Elle va promettre celle-là, c’est moi qui vous le dis et chez les Fersan, c’est comme chez les Le Pen : vous avez eu le père, vous allez avoir la fille !!!
Le lendemain, comme un “choc en retour”, j’ai reçu une missive de la Fête du Livre d’Aigueperse à laquelle je devais me rendre le 22 août et où j’avais participé deux années de suite. Le président en personne m’envoyait une lettre manuscrite (avec accusé de réception s’il vous plaît…) m’indiquant sans rire que « ma présence était indésirable » et que de plus « je n’étais pas membre de l’association », ce qui est faux, ayant acquitté la cotisation l’an dernier et celle d’avant. Le KGB n’est plus ce qu’il était : ils ont mis deux ans à s’apercevoir que j’étais sur la « liste noire » des écrivains. Nostalgiques du « Comité des Ecrivains » de 1944 pas morts. Enfin, je ne suis pas à plaindre. Pour le même crime (avoir déplu aux communistes) en 1945, Marguerite Thivat a agonisé trois jours pendue au pont d’Aigueperse en tenue d’Eve, les yeux crevés et la langue arrachée… Loin de me chagriner, cette exclusion ne peut que me réjouir. Plus on nous chassera, plus on nous discriminera, plus on nous interdira, plus on nous privera de la plus élémentaire des dignités et plus les gens comprendront la nécessité de l’état tradilandais, par nous et pour nous… Tiens, à propos de rien, samedi 21 nous nous rendons devinez où ? A un autre mariage tradilandais pardi !!!
Labels: ma famille, nos enfants, Tradiland
2 Comments:
"l’homme doit porter ne serait-ce qu’une fois dans sa vie l’uniforme pour être pleinement homme…"
Faut il comprendre que vous n'êtes pas un homme?
J'ai évidemment porté l'uniforme et je me suis même marié dedans...
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