Thursday, November 23, 2006

L'arroseur arrosé (Editorial des Lettres Fersanes n°71 - février 2007)


L’un des ressorts du comique traditionnel est celui de la personne antipathique victime de son propre vice : Molière fit rire aux dépens de l’avaricieux Harpagon, vieux grigou dépouillé de ses 10.000 écus, lui le plus ladre des usuriers. Rien n’est plus réjouissant dans la tyrannie mentale dans laquelle nous vivons que de voir un « antiraciste » patenté se faire briser par les propres lois qu’il a appelées à voter. Délicieuse modernisation de l’arroseur arrosé. Alain Rey déclarait fièrement dans Le Nouvel Observateur du 24 juillet 1997 : « la langue a toujours été une terre d’accueil pour les mots immigrés. Aucune loi Debré ou Pasqua ne peut surveiller la circulation des mots ni le métissage linguistique. Les puristes de la langue ont aujourd’hui perdu la partie ». Neuf ans plus tard, le même individu est attaqué par le MRAP et le CRAN car la définition qu’il a donnée du colonialisme dans Le Petit Robert a déplu aux puissants du moment, qui ont exigé le retrait des 170.000 exemplaires le 5 septembre 2006. « Cette polémique ne rend pas service à ces personnes dont je partage les idées » déclare Rey dans Le Figaro du 8 septembre. Dans cet entretien, il annonce son intention de céder à la pression pour la prochaine édition du dictionnaire et d’y inclure une citation d’Aimé Césaire. Notons également qu’il déclare : « J’accorde à chacun le droit de faire son propre dictionnaire, de dire sa manière d’envisager les mots ». Ce n’est pas tombé dans l’oreille d’un sourd… Comme nous ne sommes pas plus bêtes que le CRAN ou le MRAP, demandons aussi des « corrections ». Elles nous seront bien sûr refusées, ce qui nous donnera l’occasion d’avoir NOTRE dictionnaire, base de NOTRE langue.

0 Comments:

Post a Comment

<< Home