Thursday, August 17, 2006

Lapins et conscience révolutionnaire (Editorial des Lettres Fersanes n°63 - juin 2006)


Le mois dernier, nous sommes allés rendre visite à la campagne chez la famille du parrain de ma fille. Nous, les « citadins », avons bien évidemment été visiter le poulailler et l’enclos des lapins. Or, une jeune lapine venait de mettre bas pour la première fois quinze jours trop tôt et n’avait pas eu l’instinct de nourrir ses lapereaux. Tous étaient morts sauf deux qui remuaient encore. Spectacle attristant de les voir se tortiller, cherchant en vain la mamelle maternelle. « Ils vont mourir les petits lapins ? » me demandèrent mes filles. Je n’ai pas répondu (et finalement, j’appris plus tard qu’ils avaient survécu). Le soir, en pensant aux lapins, je me disais : « elle est belle la conscience révolutionnaire ! On dirait le père de Brigneau tiens ! » Dans Jules l’Imposteur, Brigneau racontait que son franc-maçon et socialiste de père, instituteur qui en discours aurait pendu tous les curés de la terre, prenait le lapin à sacrifier par les oreilles. Mais l’œil marron de Jeannot Lapin le regardait, l’air de dire : « Tu vas faire quoi là ??? ». Et il tendait le lapin à sa mère en disant : « je ne peux pas le tuer… ». « Un fasciste en peau de lapin » me disais-je. J’entendis alors en moi-même une voix avec un fort accent belge me dire : « Alleï une fois, c’est tout un bazar cette histoire de lapin… Si tu es capable de t’émouvoir devant un bébé lapin, godverdomme, c’est que tu as un cœur gros comme ça et que tu es germanique jusqu’au fond de ton âme romantique. Un bébé lapin, ça peut te mener jusqu’à Tcherkassy lutter pour la survie de la civilisation ». Fiat lux ! Si on se laisse attendrir par cette petite boule noire toute vivante et promise ultérieurement à la casserole, c’est qu’on tient plus de Saint François d’Assise que de Robespierre. Qui n’a jamais dû voir un bébé lapin…

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