Sunday, August 13, 2006

Dans la peau d'un apparatchik (Une des Lettres Fersanes n°45 - décembre 2004)


Samedi 4 décembre, l’ami Petit et moi-même avons passé trois heures dans la peau d’apparatchiki du système au sein non pas de l’enfer rouge, mais dans l’enfer vert. En effet, grâce à une relation, nous avons pu avoir des places VIP pour la rencontre Saint-Etienne contre Toulouse comptant pour la 17e journée de Ligue 1 du championnat de France de football. Nous nous étions toujours demandés où passaient nos impôts, maintenant, nous le savons. Dans la salle de réception pour les nantis de tout poil, boissons et toast à volonté. Et ce n’était qu’une petite réception pour un match de championnat qui était loin d’être une affiche. Une nuée de vendeuses au profil ethniquement correct essayaient de nous vendre le nec plus ultra de la technologie en matière de téléphone portable… Visiblement, cela n’intéressait personne. Nous étions donc dans l’antre de la nomenklatura stéphanoise. Heureusement que j’avais un grand manteau de laine et non une veste de costume car avec ma cravate, j’étais le seul « VIP » à en porter une, on m’aurait pris pour un des vigiles… Quoique ma couleur de peau, pas de confusion possible ! De cette virée stéphanoise, nous en avons gardé une impression diffuse. Nous pensions à ceux qui, élus de la droite nationale, trahirent leur cause pour garder leur place. Cette première soirée VIP nous a-t-elle comblée d’aise ? Elle nous a permis d’avoir de joyeux moments de franches rigolades, avec des remarques dignes de nos films cultes : « Mais où est le tapis rouge ? » « Mais quelle bande d’escrocs, il n’y a que la première rangée de toast qui est au foie gras ! » « A quoi reconnaît-on un prolo chez les VIP ? C’est le seul qui a une cravate ! » « Ce Coca-cola, quel millésime ? » « Va te coucher, nabot ! (à l’intention de Ludovic Clément, n°5 toulousain après une énième simulation) ». Elle nous a aussi permis de comprendre comment tant des nôtres se sont fait acheter et broyer par le système démocratique. Pas besoin de mallettes de billets de 500 passées de main à main. Le régime t’achète à coups de réceptions, de voitures de fonction, de privilèges divers et variés. Il te donne l’impression que tu es quelqu’un mais tu n’es qu’un clampin parmi tant d’autres. Meilleure est la pâtée, plus courte est la laisse ! Pendant que Mikaël sirotait son whisky, je grignotais un toast au foie gras en disant qu’ils n’achèteront pas notre conscience contre-révolutionnaire à coups de buffets gratuits et de boissons à volonté. Quand bien même nous assisterions aux 19 matchs saisonniers à Geoffroy-Guichard en Tribune Roger Rocher, rien ne saura nous faire dévier de notre lutte de libération. Mais d’autres, moins solides, pourraient se laisser avoir et devenir des collaborateurs du régime. Mis à part les toasts et la boisson, et un siège rembourré, il n’y a pas de différence fondamentale avec la tribune d’en face où nous avions nos habitudes. On y voit aussi bien le match, le cornet de frites d’avant match est payant certes, de même que la canette de coca, mais dans le ticket VIP, on n’a même pas eu le sandwich gratuit au fast-food qui sponsorise le club ! On a eu autant de plaisir à manger nos sandwich d’humbles travailleurs après le match qu’à manger leurs en-cas avec la pseudo-élite dévoyée de la région. Dans le fond, on peut très bien se passer de ces honneurs dérisoires. Ils ne valent pas, en tout cas, le sacrifice de ses convictions. Pas besoin non plus de jouer les Tartuffes en disant « cachez ce billet d’entrée VIP que je ne saurais voir ». Nous avons passé une bonne soirée, qui aurait été parfaite si Saint-Etienne avait remporté le match, et nous remercions la personne qui nous a procuré les tickets, mais cela n’en est pas devenu le but de notre vie…

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