Sunday, August 13, 2006

Notre monde (Une des Lettres Fersanes n°50 - mai 2005)


Les quelques personnes « hors ghetto » qui ont la nouvelle « Le Pensionnat d'élite» se demandait comment j'avais pu imaginer une telle école. Nous avons vu le mois dernier combien mon épouse avait constaté de ses propres yeux la fracture entre nos deux sociétés. Le 30 avril (jour des anniversaires tragiques s'il en est pourtant) nous avons profité du repli provisoire de l'école Saint-Anne-de-la-Providence, fermée par « mesure administrative » (cf. Le Libre Arverne n°126), à Malvicres pour retourner dans ces lieux et voir in vivo ce qui avait été « le paradis des petites filles sages ». Samedi, nous avons chargé toute la tribu dans deux voitures (la tradimobile n'étant pas encore opérationnelle) et filé plein sud destination le Velay profond. Nous sommes arrivés le samedi midi à ce qui avait été jadis « la Maison des Sœurs » (les dortoirs), alors qu'il ne restait que deux professeurs et les élèves n'étant pas sorties le week-end. Surprise de Mademoiselle Marie-Odile qui ne s'attendait pas à de la visite. Nous montons l'escalier pour arriver dans la grande salle du bas, les petites (et les deux grandes) sont encore à table. Nous sommes dévisagés par une demi-douzaine de mignonnes petites frimousses qui se précipitent vers nos poussettes. Nos cinq enfants sont immédiatement « pris en charge » par les élèves de l'école : Alice, la dernière, passe de bras en bras, les trois aînés participent aux jeux avec des petites filles plus grandes qu'eux, mon aînée, apeurée par le chien au début de l'après-midi terminera la journée en le tenant en laisse... Nous évoquons avec les professeurs les difficultés financières pour faire les travaux exigés par l'état (qui se garde bien d'être aussi intransigeant avec ses propres écoles, toujours la même hypocrisie démocrasseuse...), ruineux pour une école familiale où la quasi-totalité des élèves sont filles de paysans, d'artisans et de petits fonctionnaires... Sur l'une des tables, un jeu de cartes, un Boggle, quelques livres de la Bibliothèque Verte témoignent des moments de joie et de détente heureuse, comme en famille. Du premier, on entend chanter les petites (auxquelles se sont jointes mes deux filles aînées et le plus âgé de mes fils) pendant que nous prenons le café avec les professeurs. J'expose avec mon enthousiasme coutumier mon projet de Tradiland. Ensuite, comme jadis quand l'école était dans le village, les petites et les professeurs partirent pour une grande promenade dans la campagne. Les gens du village avaient perdu l'habitude de voir aux alentours les petites demoiselles et leur uniforme en bleu marine (le béret, la jupe et les chaussettes) et bleu ciel (le chemisier) et la mère du Maire revoit avec plaisir cette petite fille à nattes qu'elle a du mal à reconnaître en cette mère de famille de cinq enfants pendant que mon Maël semble fasciné par une dinde qu'il persiste à appeler « dindon ». C'est l'heure de repartir. Je suis heureux de voir les lieux où ma femme a grandi et de voir in vivo son école. On comprend la haine du régime pour ce genre d'établissement, les petites filles sont épanouies, heureuses, on leur donne une bonne éducation et il est réconfortant de voir que des filles de paysans ou d'artisans en sortent plus instruites et mieux élevées que 90 % des filles des beaux quartiers, surpassant jusqu'à la Maison d'Education des Jeunes Filles de la Légion d'Honneur elle-même !!! Dans cette école, est forgée l'élite des femmes de France, comme l'élite des garçons l'est à La Péraudiére. Dans 15 ans, la petite brune à lunettes, au mignon visage tout rond de petite pomme et à la frange rebelle, va devenir mère de famille. L'avenir de Tradiland est dans ses petites mains. Saint-Franc est plus qu'une « école de catégorie 1 », c'est l'ultime serre cultivant les plus belles des fleurs, c'est notre avenir et notre survie, c'est l'élite de la patrie.

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